"L'intensité des obligations de sécurité de l'employeur"

Publié le par Résolutions sociales -Association de Droit social

Intervention du Professeur Sébastien TOURNAUX lors de la journée "Les acteurs de la santé et de la sécurité au travail" du 16 mars 2012 organisée par l'institut du travail.


Cette conférence fera l'objet d'une publication à la revue Droit ouvrier (en principe en juillet-août)

 

 

 

A l’origine, en 2002, il s'agissait d'une obligation contractuelle, mais aujourd’hui c’est plus de la loi qu’il faut tirer cette obligation. On peut constater un fort élargissement de son domaine d’intervention. On trouve l'obligation de sécurité dans les contrats de transport de personnes, dans les contrats de soins.

La loi du 9 avril 1898 instaure une réparation automatique et forfaitaire des accidents du travail.

En 2002, les arrêts dits « amiante » provoquent la réapparition de l’obligation de sécurité de l’employeur dans une logique de réparation, avec le recours à la notion de faute inexcusable de l’employeur.

Les domaines du tabagisme, des violences physiques et morales sont concernés par l'obligation de sécurité : l'obligation de sécurité va donc au-delà de la sécurité sociale pour pénétrer le champ du droit du travail. L'objectif de prévention est au cœur de l’entreprise mais a eu du mal à être atteint.

Question de l’intensité insuffisante de cette obligation de sécurité. Cette intensité apparait au niveau des difficultés pour se décharger et être exonéré de cette obligation.

Obligation de sécurité de moyen ou obligation de sécurité de résultat ? Depuis 2002 la cour de cassation a présenté cette obligation comme une obligation de sécurité de résultat mais en réalité ce n’était qu’une obligation de sécurité de moyen déguisée. Aujourd'hui cela est terminé car l’employeur est débiteur d’une véritable obligation de sécurité de résultat.

 

Evolution

Arrêts amiante de 2002 : nouvelle définition de la faute inexcusable de l’employeur.

Dans un arrêt de la cour de cassation rendu le 29 juin 2005, l'obligation de sécurité est intégrée dans les rapports de travail avec la qualité d’obligation de sécurité de résultat concernant le tabagisme passif.

Le 21 juin 2006, la chambre sociale affirme que l’employeur ne peut pas s’exonérer en démontrant qu’il n’avait pas commis de faute : le manquement à l'obligation de sécurité de résultat était démontré. La cour de cassation mettait toujours en première ligne l’insuffisance des mesures prises par l’employeur.

Deux arrêts rendus par la cour de cassation le 3 février 2010 traitent des violences morales sur la personne d’une salariée. L’employeur avait averti le directeur et avait proposé deux séries de mutation. L'obligation de sécurité de résultat n'a pas été respectée même s’il a pris les mesures nécessaires pour mettre fin à l’atteinte.

2011 : l’absence de faute de la part de l’employeur ne lui permet pas de s’exonérer de son obligation de sécurité de résultat.

C'est donc très sévère pour l’employeur car il y aura exonération uniquement dans le cas de la force majeure.

 

Perspectives/ Effets

Les moyens classiques utilisés sont l'action pénale ou encore la majoration de l’indemnisation de la sécurité sociale.

Aujourd'hui il existe un volet de prévention à travers une forme de responsabilité contractuelle car le salarié pourra obtenir la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur.

La cour de cassation espère que ce virage pourrait produire un changement des mentalités dans l’entreprise. Cependant, on peut craindre des effets moins favorables.

Espoir de renforcement de la prévention : le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat est plus sévèrement sanctionné. Avant 2002, la prévention n’intervenait que par la voie pénale. Cette menace n’a pas suffit pour un certain nombre de raisons. La sanction civile pourrait devenir plus effective et plus fréquente car les conseils de prud'hommes vont intégrer cela et donc sanctionner plus. Cependant elle risque de ne pas être assez efficace (voir Yves SAINT-JOURS) car la politique de l’entreprise en matière de prévention coûte plus cher que la sanction donc cela n’est pas satisfaisant en matière de progression de la prévention.

Il faudrait que la sanction pénale prenne plus d’importance : menace de l’emprisonnement par exemple.

Espoirpar la stratégie de contournement du risque. Les efforts de l’employeur peuvent passer par l’accroissement de la surveillance de la santé des salarié.

 

Dangers/inquiétudes: Un décret de janvier 2012 précise la loi sur la réforme de la médecine du travail. Les visites périodiques vont pouvoir être espacées de plus de deux ans dans certains cas et la visite médicale de reprise après un arrêt de travail pourra avoir lieu au bout de 30 jours au lieu de 21.

 

Des mesures au niveau du recrutement des salariés se développent avec de nouveaux tests de gestion du stress, de management sans violence... Des objectifs particuliers sont alors donnés aux cadres : prévention de la sécurité avec en échange des possibilités en terme d'avancement de carrière. Se pose alors un problème : l’employeur se décharge d’une partie de sa responsabilité, on peut craindre des fraudes au niveau de la déclaration des accidents du travail par exemple.

 

Concernant le pouvoir disciplinaire de l’employeur, ce dernier a aujourd'hui un réel devoir de sanction. On peut douter que la jurisprudence soit aussi sévère que l’employeur. Elle ne peut pas être à la fois stricte en lui imposant une telle obligation de sécurité de résultat et en étant stricte dans son appréciation de la portée de la sanction appliquée au salarié. Le pouvoir disciplinaire de l’employeur pourrait être facilité comme ce fut le cas dans une affaire de harcèlement sexuel où le salarié a été sanctionné alors que les faits avaient eu lieu en dehors du cadre de l’entreprise.

Le salarié conducteur de tramway conduisait dans le sens inverse de circulation. L’employeur le place comme chauffeur de bus. Le salarié considère qu’il s’agit d’une sanction disciplinaire. Pour la cour de cassation ce n’est pas le cas car elle a été prise en vue d’assurer la sécurité des autres employés et des utilisateurs.

Le pouvoir disciplinaire est donc facilité en contrepartie du poids de l’obligation de sécurité de résultat pour l’employeur.

 

Promotion 2011 - 2012

 

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