"La représentativité"

Publié le par Résolutions sociales -Association de Droit social

Que fallait-il retenir de la conférence donnée par le Professeur Gilles AUZERO*, le 2 février 2012 au Pôle juridique et Judiciaire de Bordeaux (Place Pey Berland)?

Cette intervention s'inscrit dans le cadre des forums de l'Institut du travail.

 

Ce qui change avec la Loi du 20 Août 2008

  • fin de la présomption de représentativité ;

  • représentativité prouvée mise en avant avec des critères rénovés ;

  • donner de la légitimité à l’accord collectif et au délégué syndical.

 

 

Les critères de la représentativité

  • principe de concordance : la représentativité est appréciée au niveau de l’exercice de la prérogative en cause. Ce principe de concordance s’applique aussi ailleurs. Pour la désignation du délégué syndical, il faut d’abord constituer une section au même niveau. Le principe de concordance sort donc un peu de la représentativité prouvée.

 

  • l’influence : elle doit être soumise au principe de concordance. Cela soulève de nouveaux contentieux.

 

  • appréciation de la représentativité à la date à laquelle elle est exercée. Cependant, l’arrêté entraine la reconnaissance de la représentativité pendant 4 ans mais en réalité seul le critère de l’élection restera effectif, les autres critères pouvant disparaitre.

 

  • la loi fixe 7 critères cumulatifs. Il faut souligner qu'avant cette loi, ils étaient alternatifs. Il semble que le juge puisse continuer à pondérer les critères au cas par cas mais il faudra bien motiver le jugement.

 

1- Le respect des valeurs républicaines : liberté d’opinion, refus de toute discrimination. On revient sur une analyse contractuelle du syndicat.

Cass. soc. 13 oct 2010 CNT : abolition de l’Etat comme objectif figurant dans les statuts. La Cour de cassation affirme que : «la preuve n’était pas rapportée que le syndicat avait des objectifs illicites...», seule l’activité du syndicat importe selon les interprétations données à l’arrêt.

Pour le professeur Gilles Auzero les statuts restent importants car si les statuts avaient été rédigés en 2010 la solution de la Cour de cassation n’aurait pas été la même.

L’action à prendre en compte n’est pas celle du syndicaliste de base (théorie des meneurs) mais celle des responsables syndicaux.

La Cour précise que celui qui conteste le respect des valeurs républicaines doit en rapporter la preuve. Force est de constater une présomption du respect des valeurs républicaines.

Ce n’est pas un critère de représentativité mais d’authenticité.

La sanction n’est pas l’absence de représentativité mais la dissolution du syndicat.


2- L’indépendance : critère d’authenticité et pas de représentativité. Il s'agit de l'indépendance du syndicat à l’égard de l’employeur. Cela soulève le problème des financements patronaux.

 

 3- La transparence financière : elle passe par la publication des comptes.

 

4- L'ancienneté : il est exigé un minimum de 2 ans dans le champ professionnel et géographique de l’application. Il ne faut pas la confondre avec une autre, celle des syndicats non représentatifs. Ce délai se calcule à compter du dépôt des statuts.


Pour les juges du fond, un syndicat qui modifie ses statuts cela entraine la création d’un nouveau syndicat. Pour la Cour de cassation, ce n’est pas le cas. La modification des statuts n’entraine pas la création d’un nouveau syndicat, il n’y a pas de dissolution. Avec une conception institutionnelle cela aurait pu conduire à autre chose.

Le délai de 2 ans pourrait repartir à zéro quand on modifie le champ d’application géographique et professionnel du syndicat.

Astuce : le syndicat est rattaché à une union donc il suffit de faire désigner le délégué syndical par l’union. !Attention! le syndicat ne peut pas se prévaloir des statuts de l’union et désigner directement le délégué syndical. L’union, quant à elle, peut se prévaloir des attributs du syndicat.


5- L’influence : nouveau critère. La Cour de cassation l’avait fait émerger en 2008. L'influence se caractérise par l’activité et l’expérience. Elle doit être mesurée au niveau de l’exercice de la prérogative.

Cass. soc. 28 sept 2011 : pour apprécier l’influence, le juge doit prendre en considération l’ensemble de ses actions y compris celles réalisées pendant son affiliation à un autre syndicat.

 

6- Les effectifs et cotisations : critères classiques. Jurisprudence «Okaïdi» : l’adhésion relève de la vie privée. Mais c'est un critère relatif car le taux de syndicalisation est faible en France.

 

7- L’audience électorale : critère fondamental. Un taux de 10% est exigé pour l’entreprise, et de 8% pour la branche et le niveau inter-professionnel.

Il faut au moins 10% des suffrages exprimés au 1er tour même si le quorum (50%) n’est pas atteint.

On prend en compte les élections au comité d'entreprise ou à défaut les élections des délégués du personnel. Quand l’entreprise est divisée en établissements distincts, la seule chose qui compte est l’élection au niveau du comité d’établissement.

Cass. soc. , « SNCF » : le problème se situait dans le fait que l'élection des délégués du personnel avait eu lieu au niveau de ses établissements. La Cour de cassation a déclaré que le syndicat n’était pas représentatif car il n’avait pas obtenu 10% au niveau du comité d'entreprise de l’établissement. Cela est contraire au principe de concordance.

 

Un problème subsiste ici concernant la conception du comité d'entreprise du Conseil d’Etat par rapport à celle de la Cour de cassation.

 

Il est possible de faire des listes communes, les suffrages se répartissent ensuite selon ce qui a été indiqué au préalable par les syndicats, à défaut la répartition se fait à parts égales.

 

Question de la désaffiliation/affiliation : le syndicat part-il avec les suffrages qu’il a reçu avant ? Non, car l’affiliation sous laquelle il a présenté des syndicats est un élément essentiel du vote des électeurs. Le syndicat qui se désaffilie repart à partir de zéro. Le délégué syndical qui a obtenu 10% pour lui-même garde ses suffrages s’il change de syndicat.

 

A quelles conditions la désaffiliation/affiliation est-elle effective ? Pour la Cour de cassation il faut d’abord prendre en compte les prévisions des statuts mais il n’y a pas beaucoup de statuts de syndicats qui réglementent cette question. A défaut il faut appliquer la règle de l’unanimité.

La Cour de cassation dit qu’à défaut de statut on applique les conditions statutaires prévues pour la dissolution. S’il n’y a rien, c’est l’unanimité. La conception contractuelle est confirmée.

 

Les difficultés en la matière se trouvent dans le contentieux.

 

Les syndicats catégoriels


La loi réserve un traitement privilégié à certains syndicats catégoriels, comme pour ceux affiliés à la CFE-CGC.

 

Dans le cas d'une question prioritaire de constitutionnalité fondée sur l’atteinte à l’égalité de traitement, le Conseil constitutionnel estime qu'il n’y a pas atteinte car les syndicats ne sont pas dans la même situation. Cela est critiquable.

 

Un syndicat catégoriel peut-il négocier un accord inter-catégoriel ? La Cour de cassation valide ce type d'accord à la condition que les suffrages recueillis soient rapportés pour l’appréciation globale de la représentativité.

 

Un syndicat catégoriel peut-il signer tout seul un accord inter-catégoriel ? Cette question n’a pas été tranchée. Pour la chambre sociale de la Cour de cassation, dès lors que les statuts lui donnent vocation à représenter tous les salariés, le syndicat peut les représenter dans l’ensemble des collèges.

Pour le professeur Gilles Auzero cela est anormal car on ne peut pas être catégoriel et inter-catégoriel en même temps.

 

Les dispositions transitoires


Elles ne sont pas codifiées.

Elles renvoient au système antérieur : la représentativité prouvée devient présumée.

 

*Gilles Auzero est professeur de droit du travail à l'Université Montesquieu Bordeaux IV.

 

 

 

Promotion 2011-2012

 

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